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La Souche ! a écrit:Seb, j'ai vu quelque part que même si le gars déclare forfait pour un Tournoi, il est considéré comme toujours en compétition. Je pense que Rickou pourra confirmer mes dires, et dans ce cas, Richard Gasquet était donc soumis aux mêmes règles que ceux qui poursuivaient le tournoi de Miami.

Le tennis est un sport surprenant. Mercredi 28 mai, en début d'après-midi, dans la salle de presse de Roland-Garros, nombre de journalistes affûtaient leur plume (virtuelle) pour la tremper, à qui mieux-mieux, dans une encre mielleuse, pour déplorer la tragique fin de Roger Federer à Roland-Garros dès le deuxième tour, qui, hélas, s'apprêtait-on à asséner, pouvait présager d'une longue agonie sur le circuit, et patati et patata. Rien de plus chouette qu'un déclin qui se prolonge : cela permet d'écrire plein d'articles mi-fielleux mi-compassionnels, un genre délectable.


Bref, disions-nous, son altesse "Rodgeur", qui régna si longtemps sur le circuit, était mal barrée. Le sourcil froncé des mauvais jours, le Bâlois filait tout droit vers la défaite en donnant le sentiment d'expédier une corvée. Pim !, un coup droit dehors. Pam !, un revers dans le filet. Poum !, un service mal ajusté. Le tableau d'affichage, qui manque de la plus élémentaire des pudeurs, n'avait pas baissé l'intensité de ses cristaux liquides en ce jour d'enterrement. Il indiquait, en cet instant, brillant avec impertinence sous le regard furibard du maître déchu, 6-7, 7-5, 5-1 pour Jose Acasuso, l'adversaire du Suisse.

La messe n'était pas dite, mais presque, même si la manche en cours n'était pas décisive. Car plus que ce score, c'était l'inanité du jeu proposé par le Suisse et la sérénité apparente de l'Argentin qui laissait augurer que l'affaire était pliée. Puis le scénario a dévié. Sans que l'on puisse dire exactement quand, ni comment, ni pourquoi. Toujours est-il que Roger Federer s'est mis à rentrer ses balles dans le court tandis que Jose Acasuso, lui, s'est évertué à sortir les siennes.

Et tout s'est enchaîné : 5-2, 5-3, 5-4, 5-5, 6-5. Là, l'Argentin s'est remis la tête à l'endroit - la fameuse énergie du désespoir ? - l'espace d'un jeu : 6-6. Avant de rechuter dans le tie-break, où il a gratifié le public de coups d'une médiocrité presque admirable. La quatrième manche ne fut ensuite qu'une formalité pour Federer (6-2).

En face de lui, Acasuso, solide gaillard qui, quelques minutes auparavant, faisait dans le vindicatif, poing serré brandi au ciel, s'était mis à errer, image même de la résignation. Une vraie caricature : la tête basse, le pas lent, la mine contrite, le juron lâché comme une complainte, la démarche dodelinante. Une leçon de body language de loser, comme l'on dirait outre-Atlantique.

"IL EST FOU"

Ce match-là, est-ce Federer qui l'a gagné ou Acasuso qui l'a perdu ? Dans la salle de presse, la deuxième hypothèse tenait la corde. On a entendu, à propos d'Acasuso, entre autres : "Il s'est fait caca dessus" ; "Il est fou, ce qu'il nous a fait, c'est gaudiesque (Gaston Gaudio, autre Argentin, est célèbre pour perdre des matches tout seul)" ; "Pas possible de jouer aussi mal, il y a du pari sur Internet là-dessous ! (les rumeurs de matches perdus volontairement, contre rémunération, ont agité ces dernières années le circuit)"...

En réalité, le résultat tient probablement un peu aux deux joueurs. Car Federer sait ce qui fait les champions : le talent de percevoir l'apparition des doutes chez un adversaire, et d'en profiter sans vergogne. Ce sont des experts en sismologie cognitive, qui étudient minutieusement les failles de l'âme pour anticiper les tremblements cérébraux, qui se concrétisent sur un court, l'humain est ainsi fait, en tremblements de raquette aux pires moments.

Revenons à notre question, en changeant un nom, pour évoquer le duel classique de Roland-Garros, ces dernières années, qui a toujours le même vainqueur : est-ce Roger Federer qui perd ou Rafael Nadal qui gagne ? Le Suisse, qui en a marre de subir la loi de l'Espagnol, ne déteste rien tant que l'on suggère sa part de responsabilité dans l'affaire : "Pourquoi ne lui accordez-vous pas plutôt le crédit de ses victoires ?", a-t-il ainsi demandé au cours d'une conférence de presse, avant le tournoi. Parce que ce serait trop simple.